Nouvelles – novembre 29, 2021

Sur la ligne de front alimentaire (La Presse)

Cet article a été publié dans La Presse le 4 avril 2020. Consulter l'article original ici.

Course au papier hygiénique. Tablettes dégarnies. Files d’attente anormalement longues. Depuis le début de la crise, les supermarchés sont sur la ligne de front et ont dû revoir leurs pratiques de jour comme de nuit. Incursion dans deux magasins.

Quart de nuit en épicerie

Il est 2 h 30 du matin. Alors que les rues sont désertes, le IGA Famille Déziel grouille d’activité. Sous un éclairage de jour, musique en prime, on se déplace dans les allées avec des paniers et des listes d’épicerie en main.

Il ne s’agit pas ici de clients, mais d’une équipe nouvellement formée d’une quinzaine d’employés chargés de préparer chaque nuit, entre 22 h 30 et 7 h, près de 350 commandes en ligne ou par téléphone, une demande inhabituellement élevée, confirme le propriétaire des lieux, Richard Déziel.

Avant la crise, le supermarché, situé dans le quartier Villeray à Montréal, gérait en moyenne de 50 à 70 commandes en ligne ou par téléphone par jour. Le samedi, ce nombre pouvait monter à 100. Celles-ci étaient donc préparées sans problème pendant les heures normales d’ouverture.

« Là, il y a une explosion de commandes internet », affirme M. Déziel, qui, malgré de courtes nuits, ne semblait montrer aucun signe de fatigue, lors du passage de La Presse. Au cours du dernier mois, celui qui possède quatre supermarchés et qui compte en ouvrir trois autres, avec son épouse et ses deux enfants, a pris une seule journée de congé. Les deux pieds dans l’action, et sur le plancher de ses magasins, le besoin de dormir ne semble pas se faire sentir.

Richard Déziel, propriétaire du IGA Famille Déziel, dans le quartier Villeray, à Montréal
(Photo David Boily, La Presse)

Il explique avec beaucoup d’énergie les changements effectués en peu de temps. « Le physique du magasin n’est pas fait pour absorber 350 commandes. Quand on a vu le nombre de commandes téléphoniques qui rentraient et la pression sur le système internet de Sobeys [IGA], on s’est dit : “Qu’est-ce qu’on peut faire ?” Il y a plein de gens âgés qui ne sortent pas de chez eux. Si on ne s’en occupe pas, ce ne sont pas les CLSC qui ont les effectifs pour leur envoyer leur commande. »

Voilà pourquoi, il y a à peine quelques semaines, le propriétaire a mis en place un tout nouveau modus operandi pour faire face à cette situation exceptionnelle. Le seul moyen d’y arriver, c’est de travailler la nuit, a-t-il conclu.

Faire l’épicerie de nuit

La méthode est simple : les employés, vêtus d’un uniforme blanc et d’un filet pour recouvrir leurs cheveux, circulent dans les allées avec un panier et la liste d’épicerie d’un client en main. Des fruits aux œufs en passant par la viande, ils sélectionnent soigneusement les articles… en gardant une distance respectable avec les paniers de leurs collègues. Sinon, le grand patron qui veille au grain n’hésite pas à les rappeler à l’ordre, comme ce fut le cas lors de notre visite nocturne. « Faites attention, vous êtes un peu trop nombreux dans la même allée. Distancez-vous », dit-il d’un ton ferme, mais chaleureux.

La plus belle affaire [de travailler la nuit], c’est qu’on peut monter les commandes sans être dans les jambes des clients, tout en respectant la distanciation sociale.

Richard Déziel

« Parce que c’est très difficile [dans la journée] avec l’achalandage en magasin, souligne Richard Déziel tout en gardant un œil sur son équipe. Si on rajoute les commandes par internet, c’est invivable. En les faisant de nuit, on a enlevé de la pression sur le staff et sur le magasin. »

Comme dans un ballet, vers 3 h du matin, les employés se dirigent vers les caisses où l’on scannera la marchandise.

Les clients reçoivent les aliments commandés dans un délai de 24 heures. Pendant la nuit, en attendant de se retrouver sur le pas de la porte des consommateurs, les commandes sont conservées dans un camion réfrigéré – dont la température est maintenue à 2 °C – situé à l’avant du magasin.

Cette méthode contribue par le fait même à diminuer les contacts entre les différents employés. Les livreurs prennent les commandes classées dans de gros paniers rouges directement dans le camion au lieu de devoir passer par le supermarché.

De trois camions de livraison, le magasin est passé à six. Les livreurs travaillent en moyenne de 70 à 80 heures par semaine.

Travail nocturne, changement d’horaire. Cette nouvelle façon de faire rend-elle la tâche des employés plus difficile ? « De jour, de nuit, ça va », assure Chantal Vermette, responsable de l’équipe de nuit.

Avant, cette femme pleine d’enthousiasme préparait à manger de nuit pour une autre entreprise. Elle a intégré récemment l’équipe de M. Déziel, pour qui elle avait déjà travaillé dans le passé.

« Je suis revenue donner un coup de main pour nourrir le Québec. »

Elle dit sentir toute l’importance de son travail dans le traitement des commandes en ligne en voyant revenir le nom des mêmes clients. Même s’ils n’ont pas toujours tous les produits qu’ils souhaitent – parfois en raison du manque de stocks –, ils continuent tout de même d’utiliser le service, semaine après semaine.

Changement d’habitudes

Après la crise, les commandes en ligne resteront-elles aussi populaires ?

« C’était déjà très, très populaire, affirme Richard Déziel. Nous, on en fait depuis 1996. On comptait parmi les 10 premiers magasins IGA à prendre des commandes en ligne. »

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